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L’histoire humaine remonte à vraiment longtemps. Les restes d’homo sapiens les plus anciens sont datés de 300.000 ans, au Maroc, et 260.000 en Afrique du Sud. Cette découverte, en 2017, a fait reculer de 100.000 ans notre date d’apparition sur cette planète.
Je dis « notre » date d’apparition, dans la mesure où nous sommes, nous aussi, en 2024, des homo sapiens. Anatomiquement, nous sommes les mêmes. Les caractéristiques physiques d’un individu adulte du paléolithique ancien sont celles de nos actuels coureurs de cross-country. Ce n’est pas pour rien que nous-nous sommes retrouvés, pour l’essentiel à pieds, sur tous les continents sauf l’Antarctique.
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Et, pendant 230.000 ans, nous ne sommes pas les seuls représentants du genre Homo. Il y a des contacts, des mélanges, des bébés. 1,8% de notre ADN provient de Néandertal, sans compter Denisova, Florès, et les autres.
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Si nous voulons comprendre l’histoire humaine correctement, nous devons comprendre que nos ancêtres éloignés n’étaient pas différents de nous. Ils étaient intelligents, et, comme nous, ils ont fait du mieux qu’ils pouvaient en fonction du monde autour d’eux. Et, donc, nous ne sommes pas meilleurs qu’eux.
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Je serais bien curieux de voir comment nous-mêmes, aujourd’hui, nous-nous en sortirions si toute la région de Campanie explosait. Un événement qui s’est produit sous les pieds des Italiens préhistoriques il y a 39.000 ans. C’est l’une des pires éruptions volcaniques, qui a formé sous l’actuelle ville de Naples le supervolcan des champs Phlégréens, qui n’est pas moins menaçant (la loi de Murphy, souvenez-vous !). La colonne de cendres s’élève à 40km d’altitude et, portée par les vents, retombe sur toute la méditérranée jusqu’en Russie centrale. Cet évènement majeur est une explication possible de l’extinction des 100.000 Néandertaliens.
Vers -34.000, nous-nous retrouvons donc seuls représentants du genre Homo.
Terminés, les bébés métisses. Notre stock d’ADN se stabilise, il ne sera plus jamais modifié par des apports autres.
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Et il en a encore fallu des capacités physiques, et mentales, pour qu’homo sapiens croisse et s’épanouisse sur la planète toute entière.
Il a su croître malgré la Dernière période glaciaire qui surgit en quelques dizaines d’années : le niveau des océans baisse de 120 mètres, on passe la Manche à pieds, et on passe aussi à pieds de la Thaïlande à l’Indonésie. La calotte de glace épaisse de trois kilomètres descend jusqu’au sud de l’Angleterre et jusqu’à New-York. Les régions non recouvertes ont leurs sols gelés en permanence.
Et il a su croître encore, même malgré la fin de cette période, auquel il s’était finalement bien adapté. En effet, il avait su mettre à profit la couche de glace pour franchir l’actuel détroit de Béring, et investir le continent américain qui, jusque-là, ne connaissait pas les mammifères bipèdes.
La déglaciation prend huit mille ans. Le niveau des océans remonte de 120 mètres.
L’Amérique et ses habitants se retrouvent isolés jusqu’à la prochaine vague migratoire : les colons européens au XVIe siècle.
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Au sortir de cette période de bouleversement climatique, la géographie devient plus accessible, ce qui induit de nouveaux bouleversements culturels, des gros.
En Europe du nord, les chasseurs-cueilleurs nomades sont rejoints par des gens qui domestiquent les bêtes et les plantes. C’est le Néolithique qui arrive, et beaucoup de choses vont changer, de la naissance des groupements urbains jusqu’à la physionomie des autochtones. En effet, jusqu’à il y a environ 7.000 ans, les populations locales avaient la peau brune et une fréquence insoupçonnée à avoir les yeux bleus. C’est l’arrivée massive d’une population d’agriculteurs provenant de l’actuelle Turquie et du Moyen-Orient qui a induit un éclaircissement de couleur de peau, par le métissage (encore).
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C’est le moment de re-re-préciser : les races humaines, ça n’existe pas. Ce dont je parle n’est donc pas une modification des « races ». Les homo sapiens peuvent être plus ou moins chargés en mélanine, ils n’en restent pas moins des homo sapiens. Personne ne dit que vous avez changé de « race » après l’été, lorsque vous êtes tout bronzé.
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….Et les descendants de tout ce petit monde érigeront les mégalithes, une pratique qui s’étendra à toute l’Europe, et jusqu’au bassin méditérranéen. Et nous ne saurons probablement jamais pourquoi.
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Les humains ont donc expérimenté des conditions de vie et des formes différentes d’organisation sociale depuis qu’il existe des humains. Soit par choix délibéré, soit parce que, précisément, ils n’avaient pas le choix.
Ainsi, pour homo sapiens, c’est changer qui est la forme normale de vie sur Terre. Souvenez-vous du vieux Darwin : ce sont ceux qui s’adaptent qui survivent !
Les caractéristiques comportementales d’homo sapiens sont encore les nôtres aujourd’hui (vu que nous sommes aussi des homo sapiens, vous suivez ?) : la pensée symbolique et sacrée, l’art, les techniques, les échanges et le commerce, les déplacements à longue distance, les négociations politiques, le soin médical.
Ce qui différencie les groupes et les sociétés humaines depuis tout ce temps, c’est leur manière d’incarner ces traits communs de comportements, par l’infinie variété des cultures.
De ce point de vue, une homogénéité culturelle, sociopolitique, ou quoi que ce soit d’autre, n’est même pas souhaitable, à commencer par le fait qu’il n’y a pas une forme de culture qui soit absolument meilleure que toutes les autres. Sinon, croyez-en homo sapiens, ça fait bien longtemps qu’elle aurait été trouvée, et adoptée.
Les « différences » en soi ne sont pas des incompatibilités, elles doivent être des complémentarités. Et si un tel arrangement n’est pas possible, nous avons inventé la guerre comme méthode ultime de résolution des problèmes (qui en crée d’autres, et parfois pires).
L’hétérogénéité des cultures est un gage de longévité à long terme. Car si chaque groupe avait fait strictement comme ses voisins, nous n’aurions pas survécu mille ans.
A l’échelle de notre espèce, cette capacité à modifier ce qui est considéré comme « normal » est un gage de survie. Car si malheureusement un groupe est en difficulté du fait de sa forme d’organisation, les autres ont bon espoir de ne pas subir le même sort car ils en ont une différente, ou ils peuvent en inventer une différente.
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Le monde a encore énormément changé, bien sûr, plein de fois, et nous n’avons jamais cessé de nous adapter. Notre propre organisation sociale, aujourd’hui, ici, ou là-bas, n’est qu’une variante parmi des possibilités multiples, et, nous aussi, nous faisons de notre mieux, en fonction du monde autour de nous.
Demain sera encore différent, c’est une certitude. Ce n’est pas pour autant que ce sera moins bien. D’ailleurs, pour une part non négligeable, c’est à nous de choisir comment nous-nous adapterons.
Anthropologiquement, depuis 300.000 ans, nous n’avons pas cessé de le faire, et c’est la raison pour laquelle nous sommes toujours là.
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