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Les aventures d'un ethnologue dans le grand monde

Des experts à l’unité 22 octobre 2011


Trouver un expert peut être un processus long et difficile. Voire très long et très difficile.

Nous savons que dans nos organisations il y a des experts, mais de là à identifier l’expert sur le sujet qui nous préoccupe il y a une marge… et encore faut-il qu’il ait le temps de répondre aux sollicitations. Cela peut être un vrai problème au quotidien.
L’usage de l’outil informatique (toujours lui) peut nous aider dans cette tâche.

En utilisant des solutions de data mining, on peut aller fouiller les bases de données (encore elles) pour identifier les sujets fréquemment abordés par les utilisateurs et de quelle manière quelqu’un est susceptible de répondre aux questions.
Les grandes organisations archivent les données de leurs employés dans de grands ‘sacs’ où l’information repose en vrac en attendant qu’on l’utilise.
Mais il n’y a pas de formule magique. Il ne suffit pas d’écrire ‘Je cherche un expert en projets php’ pour qu’un nom de l’annuaire s’affiche à l’écran.
Il faut donc se pencher du côté de la modélisation des connaissances –une branche du knowledge management– or il s’avère que ce concept est difficile à comprendre pour un ordinateur.
N’oublions pas que, comment dire, un ordinateur c’est con comme un balai.
Le gros du travail consiste ici à creuser plus loin que les profils qui apparaissent dans les annuaires ou sur le Facebook-entreprise que vous avez à disposition. Tout cela en respectant l’intimité numérique de chacun.

Un logiciel comme Atlas construira tout seul les profils de vos employés, leurs compétences et les sujets qu’ils traitent de façon récurrente, mais cela sans aucune possibilité de filtrage.
D’un autre côté ça impose trop de temps de demander aux employés de remplir à la main leur profil et de plus ça peut s’avérer largement inexact, en termes d’inventaire des compétences aussi bien que d’objectivité dans l’évaluation de son niveau d’expertise.
Une autre piste de travail sur la modélisation des connaissances consiste à laisser l’utilisateur désigner certains dossiers, afin que le système y fasse une indexation automatique (dossiers de documents et d’e-mails). L’utilisateur exclut de lui-même le dossier ‘Personnel’ par exemple, parce que vous n’avez pas besoin de savoir qu’il est expert en cuisine asiatique ou en gestion de tournois de belote…
De cette manière il est possible d’obtenir des mots clés qui identifient les zones d’expertise de la personne. Il est possible ensuite d’utiliser la liste de tous les mots clés répertoriés dans toute l’organisation pour retrouver la ou les personnes qui en font le plus grand usage.

Par exemple, pour un employé qui possède de nombreux documents qui traitent de MVS, le système en conclura qu’il y a ici une expertise en MVS mais aussi en utilisation des grands systèmes, Z/OS et JCL. Le tout est envoyé à un serveur central qui rassemble l’information sur les profils des utilisateurs et établit le classement des mots clés. En cherchant qui s’y connaît réellement au sujet de MVS, le nom de cette personne ressortira avec le détail de ses compétences.
Selon la fréquence de mise à jour de ce serveur central, on peut imaginer qu’il offre une vue quasiment en temps réel des domaines d’expertise au sein de l’organisation et, surtout, qui les possède.
Woâ.

Mais il ne suffit pas d’avoir un inventaire, il faut aussi estimer si la personne est effectivement susceptible de répondre aux sollicitations, sans quoi tout le travail en amont n’aura servi à rien.

L’identification d’une présence forte sur les réseaux de discussion (e-mail, forum interne, communauté projet, etc.) est un facteur qui donne davantage de poids à quelqu’un qui est identifié comme porteur de savoir. C’est le genre de signe qui dénote un fort investissement et qui laisse supposer qu’il/elle sera volontaire pour s’impliquer dans une communauté plus large. Inclure des ratios de participation aux réseaux sociaux est donc un complément important pour l’évaluation d’une expertise. On peut en tirer un facteur de pondération positive ou négative qui permet d’affiner énormément la simple appréciation quantitative du savoir.
Cerise sur le gâteau, vous pourriez même laisser chacun évaluer la qualité des interventions de tous les autres. Ne cherchez pas bien loin, cela existe déjà sur LinkedIn par exemple.

Ceci dit, les utilisateurs de LinkedIn ne sont pas ses employés. Dans une organisation qui n’y est pas habituée, ce genre d’évaluation publique pourrait être assez délicate à gérer en termes relationnels.
Serez-vous toujours aussi amical avec vos collègues s’ils vous donnent (anonymement) une mauvaise évaluation ? 

Il n’empêche que l’on peut aller encore plus loin, du moins en théorie.
L’analyse de réseaux sociaux (ARS) nous apprend en effet que l’on peut identifier quelqu’un sur un réseau par son savoir mais aussi par sa position. Selon qu’il est intégré à un groupe ou selon qu’il est à la croisée de plusieurs groupes.
Cela peut être d’une importance cruciale pour relier des domaines d’expertise grâce à la seule (?) personne qui fait le pont entre eux, même si cette personne n’a rien d’un expert stricto sensu.
La capacité de quelques personnes à porter de l’information d’un groupe à un autre peut être décisive quand on parle d’innovation.

Dans tous les cas cela dit, on doit s’attendre à des refus des utilisateurs si on leur impose des méthodes trop invasives. Ils résisteront et ils auront de bonnes raisons pour le faire. A partir d’un certain seuil, nous sommes tous susceptibles de refuser de dire ce que l’on sait ne serait-ce que pour éviter les interférences constantes de la part des collègues. Si vous utilisez ce genre de fonctionnalité chez vous, prêtez-y une grande attention car la gestion des relations réelles qu’elles provoquent n’est pas à prendre à la légère.
Ces systèmes de knowledge management rendent visibles des choses qui étaient invisibles jusque là, pour le meilleur comme pour le pire.

D’un autre point de vue, certaines directions peuvent aussi se montrer hésitantes à rendre lisible des informations susceptibles d’intéresser les concurrents –si tant est qu’ils puissent y avoir accès…

Mais déjà vous êtes montés d’un cran dans la chaîne alimentaire, car si ce problème se pose cela veut dire que vous êtes parvenu à un niveau de maturité extrêmement solide quant à la gestion des compétences et des connaissances.

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Indicateur de vie meilleure 27 septembre 2011


 

Comparaison des monographies 12 septembre 2011


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Si des directeurs d’entreprises peuvent se comporter comme des vandales et convaincre le Conseil d’Administration de les payer pour l’avoir fait, pourquoi ne pas envisager que les responsables d’organisations criminelles fassent prospérer leurs affaires sur la base des théories de Peter Drucker ou Jean Tirole ?

On a tendance à ignorer largement que la littérature à vocation professionnelle est lue par des gens dont le cadre d’activité, légal ou pas, est secondaire.
A ce titre, comme un marteau ou une arme à feu, une organisation est un outil dont l’aspect légal dépend de l’usage qu’on en fait, avec là-dedans toutes les nuances imaginables. Statut officiel/clandestin et activité légale/illégale permettent bien des combinaisons qui suffisent à construire un discours techniquement élaboré, sans besoin de parler de morale. En effet, ‘criminel’ est un terme à manier avec précaution car tout ce qui est illégal n’est pas criminel (et vice-versa). Je me retiendrai donc de faire un parallèle entre clandestinité, illégalité et criminalité.
Pensez au groupe clandestin et illégal de Robin des Bois, dans les profondeurs de la forêt de Sherwood vers 1270. Comment était-il qualifié par les médias officiels de l’époque (si j’ose dire), un groupe de jeunes criminels spécialisés dans le racket ?

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Pour préciser mon propos, remarquons aussi que la distinction est importante entre statut officiel (un numéro de SIRET et un structure en Société Anonyme par exemple) et ce que l’on fait avec ce statut. Souvenez-vous qu’Al Capone a pu être appréhendé et condamné pour fraude fiscale (statut officiel) et non pas parce qu’il avait pour habitude de passer à la perceuse à percussion les rotules de ses opposants. Cet outil qu’est une organisation selon la manière dont il est géré peut donc être exceptionnellement performant quel que soit l’objectif que vous lui donnez : blanchiment d’argent, commerce de meubles ou vol de diamants sur une piste de l’aéroport de Bruxelles.

Toute organisation (toute !) doit répondre en effet à une question fondamentale : Que pouvons-nous faire ensemble ?
Pour orienter l’action collective et pour la gérer dans l’espace et le temps, c’est la question qui doit trouver une réponse, quelle que soit la taille de l’organisation, son statut et son activité.
Le fait que les acteurs du secteur légal et illégal puissent se côtoyer dans les mêmes universités ou s’inspirent des mêmes théories de management ne devrait donc pas nous étonner outre mesure.

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Les 5 éléments d’une organisation tels que les a décrits Henry Mintzberg sont valables pour tous ceux qui cherchent à façonner au mieux leur structure interne. Cela nous rappelle que la réalité possède plusieurs dimensions, y compris morales. Les questions techniques d’organisation concernent donc les géants internationaux comme Total, Toyota, Greenpeace aussi bien que la triade 14k ou la MS-13. A une échelle plus réduite, les cinq trafiquants de marijuana qui travaillent ensemble en bas de votre immeuble ont les mêmes questionnements professionnels que le gérant de l’épicerie d’en face, ou le club de foot local.
…et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : il ne s’agit pas de faire des amalgames abusifs, il s’agit de comparer des questionnements liés à la gestion d’une activité collective. Le parallèle s’arrête là.

Les hackers du réseau Anonymous appliquent-ils un équivalent du CMMI pour créer leur code informatique avant d’attaquer les consoles Sony ? Le lean manufacturing a-t’il une influence sur les méthodes des ateliers clandestins de contrefaçons ? Quel est l’équivalent des congés payés, dans une institution yakuza qui emploie des dizaines de milliers de membres ? Quelles ont été les stratégies d’investissement de la Irish Mob en Amérique, pendant la crise financière de 2008-2010 ? Et comment se passe une fusion-acquisition entre concurrents, lorsqu’on fait du trafic de drogue ?

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En 1927, la glorieuse École de Chicago publia un article de Frederick Thrasher qui recensait 1313 « bandes criminelles » à l’intérieur des limites de la ville soit environ 25.000 personnes employées dans des métiers très diversifiés dont une petite partie seulement pouvait être qualifiée d’illégale. La majeure partie concernait la gestion au sens courant. Ce recensement et sa cartographie (carte) permettaient d’inscrire ces gangs dans le paysage urbain, comme autant de PME de 19 personnes, à la différence près qu’elles exerçaient au-delà des limites de la loi dans une culture d’entreprise qui permet de déployer l’activité là où le système judiciaire affirme que non, vous ne pouvez pas.
En lisant aujourd’hui des ouvrages traitant par exemple de logistique, de comptabilité ou de marketing, nous laissons les auteurs nous amener d’un côté de la réalité avec ses références et ses symbolismes, mais ça n’est qu’un côté de la réalité. Il s’agit en quelque sorte de reprendre contact avec le monde, le vrai, celui qui existait avant les explications expurgées d’ambiguïté et les études de cas moralement indiscutables.
Nous sommes devenus tellement dépendants de ce symbolisme et de ces explications académiques que nous avons perdu contact avec une partie de la réalité des organisations et des motivations qu’on peut avoir à en créer une et à la gérer.
A leur décharge, on peut comprendre que les écoles de commerce ne soient pas très favorables à présenter un cours qui s’appellerait « management d’équipe appliqué au trafic de cellules souches »…

Ce genre de sujet de recherche serait pourtant grandement utile, pour nous donner une compréhension plus complète des formes que peut prendre une organisation et les circuits de fonctionnement qu’elle est susceptible d’adopter. C’est aussi cela, l’ethnologie du XXIe siècle.
Michel Crozier a disséqué avec soin la bureaucratie française, il reste encore du travail pour parvenir à une compréhension aussi complète des organisations clandestines et illégales comme la `Ndrangheta calabraise (chiffre d’affaires annuel estimé à 40 milliards). Où sont les Crozier, les Peter Drucker,  Clifford Geertz et Elton Mayo des mondes clandestins ?!

Le monde réel ne se plie pas à la norme fictive de ce que c’est, une organisation.

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A ce titre, compte tenu de leurs contraintes opérationnelles, nombre d’organisations clandestines et illégales sont incontestablement plus performantes qu’une grande partie de leurs consœurs vivant au grand jour et analysées en long en large et en travers par la recherche universitaire ou par les success stories de la presse spécialisée.
Mais aucune revue ne vous expliquera jamais comment des personnes travaillant ensemble parviennent à solidifier des règles de conduite, les possibles et les interdits qui permettent le maintien de l’activité collective. Bref, toutes ces représentations qui déterminent ce que c’est, la norme d’action dans un groupe organisé. Aucun magazine ne sait le faire pour Expedia ou Citroën, n’espérez pas qu’ils le fassent pour une mafia d’Italie du Sud ou de Hong Kong !
Comment elle naît cette activité collective, comment les acteurs la maintiennent, par quel symbolisme, quels discours et quels actes ? Comment les employés de `Ndrangheta comprennent-ils au quotidien la devise de leur organisation : Héroïsme et Vertu ? Que peut nous apprendre la monographie de cette mafia calabraise -leader mondial dans la gestion des flux de cocaïne- en comparaison de, disons, le leader mondial des flux d’eau potable : Veolia Environnement (chiffre d’affaires annuel 30 milliards), dont la devise est : Inventer pour l’Environnement ?

Et entre différentes organisations, tous secteurs confondus, où sont les interfaces qui ont les plus fortes probabilités d’entrer en contact les unes avec les autres ? Selon quels critères d’opposition ou de collaboration ?
Par exemple lorsqu’ils sont en compétition pour un même marché (de travaux publics -au hasard), une entreprise légale et officielle a-t’elle les moyens de se battre contre un groupe illégal et clandestin ? Quels moyens ? Et jusqu’où les utiliser ?

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Le dessus des cartes 25 novembre 2009

Filed under: organisation,technologie — Yannick @ 19:27
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#1 – Le nombre de sites web a été multiplié par 40.000 entre 1994 (5.000) et 2009 (200 millions), approximativement et sans distinguer le bon grain de l’ivraie.
Conseil d’investissement : achetez en nombre des noms de domaine à des fins de revente au plus offrant. Un jour peut-être vous-vous pardonnerez de ne pas avoir été le créateur de sex.com
Les bons noms de domaine sont comme les terrains avec vue sur mer : rares et chers.

#2 – Les abonnements internet en Asie augmentent de 880% par an. La densité des connexions internet recoupe la carte des pays riches, pas la densité de population sur Terre (carte ci-dessous).

#3 – Facebook ouvre 700.000 nouveaux comptes utilisateurs par jour. 20% des utilisateurs ne sont reliés à personne.

#4 – Les dix sites web les plus visités sont ceux d’entreprises plus jeunes qu’un élève de sixième. 76% de la population terrestre n’a pas accès à l’internet.

#5 – 117 câbles sous-marins constituent le Réseau.  « Retourner à l’âge de pierre » n’est plus l’expression qui convient : il suffirait de l’âge du télégraphe.

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L’ethnologue dans les mailles du réseau 12 novembre 2009

Filed under: Ethnologie,management,organisation — Yannick @ 17:59
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Le rêve d’une organisation sans cloison, sans frontière et pleine de communication n’en finit pas de prendre forme.

Les burLet the experts' words flow !eaux sont devenus des open spaces et les usines se sont ménagé des espaces de réunion pour les équipes de production. Chronologiquement, cela s’est passé d’ailleurs dans le sens inverse : c’est d’abord l’industrie qui a reconnu les vertus de la parole. J’ai vécu une expérience où le règlement intérieur d’une entreprise interdisait aux employés de se parler lorsqu’ils étaient à leur poste de travail. C’était dans l’agroalimentaire il y a dix ans et cela paraît aujourd’hui inimaginable. Le Directeur de l’époque ne me croyait pas d’ailleurs quand je lui démontrais noir sur blanc l’intérêt pour l’entreprise de l’implication collective de ses salariés, ce qui a occasionné quelques tensions… mais le bon ethnologue doit plus ou moins se « griller » sur son terrain d’enquête, c’est la preuve qu’il a touché les sujets vraiment importants.

La théorie des organisations nous apprend qu’il existe un organigramme formel (l’officiel) et un organigramme informel (le vrai). Les lignes et les cases d’un organigramme représentent seulement une partie de la réalité. Lorsque vous avez un souci dans votre métier, en référez-vous d’abord à votre responsable, où à la personne que vous pensez la plus à même de vous apporter une solution ?

The map of a social network : who's talking to whom ?Il y a pourtant là un réservoir de compétences multiples dont l’organisation aurait bien tort de se priver. Aujourd’hui, contrairement à un directeur de 1999, la plupart des responsables comprennent cet argument de façon intuitive. Très peu cependant cherchent à connaître, comprendre et utiliser ces réseaux informels et les communautés qui les abritent (et ils ne les appellent pas des cliques). La connaissance est pourtant devenue un avantage compétitif, plus que la propriété ou la force de travail (Alvin Toffler). Sans ressource ni attention, les communautés dans une organisation restent donc fragmentées et les travaux de leurs membres prennent du retard au gré des intrusions du management et du principe de spécialisation des tâches qui étouffe l’implication collective.

Le processus de socialisation repose sur des critères subtils où l’utilité revêt diverses formes mais n’est jamais absente. Au sein de la communauté, chacun aura tendance à se tourner d’abord vers les membres pour chercher de l’information, avant d’aller le faire chez des inconnus, notamment sur internet et même si c’est pour trouver au final l’article d’un prix Nobel. Si vos collègues sont concurrentiels face à un prix Nobel c’est qu’ils connaissent le contexte de votre demande !

La carte de réseau ci-dessus représente les personnes impliquées dans un réseau informel appliqué a l’idée de  »relation client » (oui, en fonction du sujet il y en a d’autres !). C’était pour une réorganisation dans une société d’assurance. C’est la première étape pour identifier un réseau : savoir qui parle à qui et vous apprendrez ensuite qui sait quoi.

L’analyse de réseau social (ARS) est une méthode descriptive, pas un outil. Dans une organisation son utilisation devrait découle directement d’une Direction autonome chargée du knowledge management. Ensuite et seulement ensuite, la question des outils de support pourra être abordée, dans le genre Facebook-entreprise pour concrétiser l’informel qui était jusque là impalpable.  L’erreur serait de croire qu’un outil peut engendrer ou améliorer un réseau social. De même, l’ARS étant fondamentalement descriptive, elle ne garantit en rien qu’on puisse agir sur la situation existante. Il est cependant envisageable d’agir sur les réseaux pour les façonner (plus subtil : pour les orienter) : par exemple avec des indicateurs de participation, en détaillant les apports individuels, en identifiant des membres critiques, ou en mettant en place des contremesures pour, par exemple, ouvrir un réseau vers un autre ou relier des thèmes portés par des communautés différentes. Dans tous les cas, c’est la qualité de la socialisation dans l’organisation qui permet la pérennité des communautés et le fonctionnement des réseaux. Se parler, se voir, s’écrire, se rencontrer… toutes les occasions qui placent l’être humain dans son écosystème favori : l’échange.

Mais la bonne volonté du management doit être encadrée car les idées préconçues sont nombreuses et aboutissent à des effets pervers. La volonté de maîtrise doit particulièrement être modérée car un système social, par définition, est auto régulé. La fonction de contrôle émerge des membres du réseau eux-mêmes, notamment par l’acceptation de modérateurs -à mi-chemin entre le shérif, le sage et le député élu. Les formes allogènes de contrôle brisent la spontanéité, le nombre d’échanges et leur nature. En ce sens, un réseau possède sa culture, ses références et ses règles. Les membres s’imposent à eux-mêmes une normalité et la font respecter.

Utilisez cette propriété pour arriver à vos fins. Adaptez-vous à l’existant et gérez la chose avec humilité.

Pour plus de détails sur la méthode > A. Degenne + M. Forsé : Les réseaux sociaux, Ed. Colin, 2005 (1994).