Trouver un expert peut être un processus long et difficile. Voire très long et très difficile.
Nous savons que dans nos organisations il y a des experts, mais de là à identifier l’expert sur le sujet qui nous préoccupe il y a une marge… et encore faut-il qu’il ait le temps de répondre aux sollicitations. Cela peut être un vrai problème au quotidien.
L’usage de l’outil informatique (toujours lui) peut nous aider dans cette tâche.
En utilisant des solutions de data mining, on peut aller fouiller les bases de données (encore elles) pour identifier les sujets fréquemment abordés par les utilisateurs et de quelle manière quelqu’un est susceptible de répondre aux questions.
Les grandes organisations archivent les données de leurs employés dans de grands ‘sacs’ où l’information repose en vrac en attendant qu’on l’utilise.
Mais il n’y a pas de formule magique. Il ne suffit pas d’écrire ‘Je cherche un expert en projets php’ pour qu’un nom de l’annuaire s’affiche à l’écran.
Il faut donc se pencher du côté de la modélisation des connaissances –une branche du knowledge management– or il s’avère que ce concept est difficile à comprendre pour un ordinateur.
N’oublions pas que, comment dire, un ordinateur c’est con comme un balai.
Le gros du travail consiste ici à creuser plus loin que les profils qui apparaissent dans les annuaires ou sur le Facebook-entreprise que vous avez à disposition. Tout cela en respectant l’intimité numérique de chacun.
Un logiciel comme Atlas construira tout seul les profils de vos employés, leurs compétences et les sujets qu’ils traitent de façon récurrente, mais cela sans aucune possibilité de filtrage.
D’un autre côté ça impose trop de temps de demander aux employés de remplir à la main leur profil et de plus ça peut s’avérer largement inexact, en termes d’inventaire des compétences aussi bien que d’objectivité dans l’évaluation de son niveau d’expertise.
Une autre piste de travail sur la modélisation des connaissances consiste à laisser l’utilisateur désigner certains dossiers, afin que le système y fasse une indexation automatique (dossiers de documents et d’e-mails). L’utilisateur exclut de lui-même le dossier ‘Personnel’ par exemple, parce que vous n’avez pas besoin de savoir qu’il est expert en cuisine asiatique ou en gestion de tournois de belote…
De cette manière il est possible d’obtenir des mots clés qui identifient les zones d’expertise de la personne. Il est possible ensuite d’utiliser la liste de tous les mots clés répertoriés dans toute l’organisation pour retrouver la ou les personnes qui en font le plus grand usage.
Par exemple, pour un employé qui possède de nombreux documents qui traitent de MVS, le système en conclura qu’il y a ici une expertise en MVS mais aussi en utilisation des grands systèmes, Z/OS et JCL. Le tout est envoyé à un serveur central qui rassemble l’information sur les profils des utilisateurs et établit le classement des mots clés. En cherchant qui s’y connaît réellement au sujet de MVS, le nom de cette personne ressortira avec le détail de ses compétences.
Selon la fréquence de mise à jour de ce serveur central, on peut imaginer qu’il offre une vue quasiment en temps réel des domaines d’expertise au sein de l’organisation et, surtout, qui les possède.
Woâ.
Mais il ne suffit pas d’avoir un inventaire, il faut aussi estimer si la personne est effectivement susceptible de répondre aux sollicitations, sans quoi tout le travail en amont n’aura servi à rien.
L’identification d’une présence forte sur les réseaux de discussion (e-mail, forum interne, communauté projet, etc.) est un facteur qui donne davantage de poids à quelqu’un qui est identifié comme porteur de savoir. C’est le genre de signe qui dénote un fort investissement et qui laisse supposer qu’il/elle sera volontaire pour s’impliquer dans une communauté plus large. Inclure des ratios de participation aux réseaux sociaux est donc un complément important pour l’évaluation d’une expertise. On peut en tirer un facteur de pondération positive ou négative qui permet d’affiner énormément la simple appréciation quantitative du savoir.
Cerise sur le gâteau, vous pourriez même laisser chacun évaluer la qualité des interventions de tous les autres. Ne cherchez pas bien loin, cela existe déjà sur LinkedIn par exemple.
Ceci dit, les utilisateurs de LinkedIn ne sont pas ses employés. Dans une organisation qui n’y est pas habituée, ce genre d’évaluation publique pourrait être assez délicate à gérer en termes relationnels.
Serez-vous toujours aussi amical avec vos collègues s’ils vous donnent (anonymement) une mauvaise évaluation ?
Il n’empêche que l’on peut aller encore plus loin, du moins en théorie.
L’analyse de réseaux sociaux (ARS) nous apprend en effet que l’on peut identifier quelqu’un sur un réseau par son savoir mais aussi par sa position. Selon qu’il est intégré à un groupe ou selon qu’il est à la croisée de plusieurs groupes.
Cela peut être d’une importance cruciale pour relier des domaines d’expertise grâce à la seule (?) personne qui fait le pont entre eux, même si cette personne n’a rien d’un expert stricto sensu.
La capacité de quelques personnes à porter de l’information d’un groupe à un autre peut être décisive quand on parle d’innovation.
Dans tous les cas cela dit, on doit s’attendre à des refus des utilisateurs si on leur impose des méthodes trop invasives. Ils résisteront et ils auront de bonnes raisons pour le faire. A partir d’un certain seuil, nous sommes tous susceptibles de refuser de dire ce que l’on sait ne serait-ce que pour éviter les interférences constantes de la part des collègues. Si vous utilisez ce genre de fonctionnalité chez vous, prêtez-y une grande attention car la gestion des relations réelles qu’elles provoquent n’est pas à prendre à la légère.
Ces systèmes de knowledge management rendent visibles des choses qui étaient invisibles jusque là, pour le meilleur comme pour le pire.
D’un autre point de vue, certaines directions peuvent aussi se montrer hésitantes à rendre lisible des informations susceptibles d’intéresser les concurrents –si tant est qu’ils puissent y avoir accès…
Mais déjà vous êtes montés d’un cran dans la chaîne alimentaire, car si ce problème se pose cela veut dire que vous êtes parvenu à un niveau de maturité extrêmement solide quant à la gestion des compétences et des connaissances.
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