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Les aventures d'un ethnologue dans le grand monde

Braconnage, go fast et transport furtif 1 mars 2010


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Plusieurs fois ces dernières semaines, le terme de « go fast » est venu au devant de l’information nationale.

Pour mémoire, un go fast est un transport rapide qui permet aux trafiquants en tous genres d’aller d’un point à un autre le plus vite possible pour réduire les probabilités d’interception par la maréchaussée. Son usage remonte à l’époque de la Prohibition et cela durera tant qu’on n’aura pas inventé la téléportation.

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Les go fast d’aujourd’hui sont des vedettes surmotorisées utilisées pour naviguer dans les Caraïbes, par exemple du Venezuela à Haïti puis d’Haïti vers la Floride. Dans les cales, tiroirs, armoires, toilettes et vides-poches du navire, on trouve généralement de la drogue à l’aller et des armes au retour.
L’intérêt d’utiliser de telles vedettes rapides sur mer est que vous réduisez grandement le temps où le bateau apparaît sur les radars des centres de surveillance maritime : MRCC, douanes et gardes-côtes.
En théorie, si un contrôleur repère votre spot sur son écran, le temps qu’il alerte une patrouille de surveillance vous êtes déjà loin et personne ne vous a identifié.

Cette méthode de travail (si j’ose dire) a été importée en Europe avec quelques modifications : il s’agit de voitures. La cargaison illicite est acheminée du Maroc jusqu’en Espagne puis chargée dans un véhicule du genre puissant, capable de tenir une moyenne proche des 220km/h sur plusieurs milliers de kilomètres. De là, le conducteur doit tracer sa route aussi vite que possible jusqu’à destination; par l’Espagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas.

On peut ajouter à cela diverses tactiques et contre-mesures pour garantir que personne ne suit la voiture (marquage laser, micro transmetteurs, itinéraires de diversion, véhicule ouvreur, véhicule suiveur, etc.). La voiture elle-même est volée et porte une fausse immatriculation, of course.
Bien… donc plus vous allez vite et moins vous risquez d’être arrêté par la police routière, les douanes ou les stups. A première vue cela semble cohérent, n’est-ce pas ?

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Mais si j’étais un trafiquant international, je licencierais le premier qui me propose cette idée stupide de faire un go fast routier (cette idée m’est venue alors que je roulais à 140km/h sur autoroute, où j’étais déjà le plus rapide). A supposer que mes employés puissent être  »licenciés » bien sûr !
D’abord, la motivation du go fast originel par mer n’existe pas sur terre. Le spot de votre véhicule n’apparaît sur l’écran de personne en temps réel. Par contre, répétez après moi : un go fast routier est un bon moyen pour se faire remarquer et c’est exactement ce qu’il faut éviter. Le même argument s’applique aux tactiques de forçage de péage, dépassements par la droite et autres indélicatesses.

Mon propos demanderait à être confirmé par des faits, mais il y a probablement une bonne part d’ethnocentrisme de la part de cette culture professionnelle, ce qui fait que les braconniers ne se rendent pas compte que la méthode elle-même est un sévère point faible [je suis volontaire pour mener une étude de terrain, en vrai ethnologue, avis aux amateurs].
Le réflexe ethnocentrique vous fait croire que vos façons de faire sont d’un ordre supérieur à toutes les autres et en conséquence vous ne cherchez pas à vous améliorer. C’est un point aveugle d’autant plus fort que la culture concernée fonctionne en circuit clos, sans regard extérieur pour ouvrir de nouvelles perspectives.
Donc, les trafiquants qui utilisent le go fast routier sont coincés dans des habitudes de travail où ils doivent absolument éviter de se mêler aux civils, alors que, précisément, l’avantage stratégique réside dans la possibilité de mimétisme social. Pour expliquer la course aux armements entre les chasseurs et les chassés, policiers et brigands, une petite dose de compétition de testostérone est aussi envisageable, des deux côtés. Chacun souhaite montrer qu’il est mieux équipé et plus viril que ceux d’en face, mais personne ne remet en cause la méthode alors que c’est précisément la méthode qui est défaillante.

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Car les routes européennes offrent un avantage indéniable par rapport aux eaux des Caraïbes : la possibilité de se fondre dans la masse des véhicules en mouvement.
Prendre le visage de monsieur-tout-le-monde en Citroën Picasso, rouler avec lui et comme lui, ne pas attirer l’attention tellement on est normal et arriver à bon port comme tout le monde, « sans problème ».

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A côté de cela, rouler à 240km/h avec plusieurs millions d’euros de cargaison illicite… c’est… comment dire… tendre le bâton pour se faire battre, soit par la maréchaussée, soit par les lois de la physique en cas d’accident. Car l’accident arrivera, faites confiance à Murphy.

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13 Responses to “Braconnage, go fast et transport furtif”

  1. Youplaboum Says:

    Théoriquement très bien tout cela, mais le « Go Fast » routier ne serait-il pas une sécurité dans le cas (très probable) où les Gendarmes/Douanes savent que le transport va avoir lieu?

    Si les forces de l’ordre savent que je vais passer par tel endroit au volant de tel véhicule j’aime autant être un volant d’une grosse cylindrée qui peut les semer plutôt que d’un Picasso des familles au volant duquel j’ai le temps de boire un café avant qu’il ne passe de 140 à 200km/h.

    Effectivement l’intérêt de rouler vite avant de se faire prendre en chasse…

  2. Nills Says:

    Hem……si le trafiquant est intelligent il ne roule pas super vite tout au long de son périple, mais uniquement si il y a besoin de fuir.

  3. zep Says:

    De ce que j’en comprends: le raisonnement tiens la route, jusqu’à ce que l’on ajoute que les interceptions de transport se font généralement suite a des filatures, planques etc… comme, en gros, seul le flagrant délit tiens la route (sans jeux de mots) devant un tribunal, les bleus doivent appréhender avec la cargaison.
    Tel que je comprends le truc, l’intérêt et d’échapper à une éventuelle filature et rendre une potentielle interception délicate. Coincer un monospace poussif avec une Subaru plafonnant à 240 n’est pas un exploit… coincer une M6 ou S8 taquinant les 270/280 est tout de suite plus compliqué.
    Bref, se noyer dans le troupeau n’est donc pas (toujours) la bonne stratégie.

  4. mike Says:

    bonjour, ce dont tu parles est un go-slow e tca existe ^^

  5. Yannick Says:

    @ Youplaboum et @ Nills :
    Pas tout à fait d’accord : faire un go fast c’est d’abord tracer le plus vite possible *pour ne pas* se faire intercepter (c’est l’idée du go fast originel, par voie maritime). Mais sur route, une fois que vous avez derrière vous une Subaru, des motards, un hélico et quelques barages de police en aval de votre trajet, vous êtes déjà coincé.
    Ce n’est pas votre Audi S8 qui vous fera passer par-dessus les glissières de l’autoroute.

    @ Zep : 100% d’accord. Le trajet d’acheminement n’est qu’une petite partie du sujet… et si vous êtes pisté avant même de monter en voiture, c’est cuit.

    @ Mike : vous avez + de détails sur l’organisation d’un « go slow » ? Même principe que le fast ?

    Merci à tous les 4.
    Euh, vous savez que ce genre de discussion allume des petites lumières rouges à la BRI, n’est-ce pas ?!
    – Y.

  6. rizzoli Says:

    Bonjour,
    Tres interessant.
    Je pense que les go fast sont utilisés par les trafiquants des cités.
    Certains veulent aller au plus vite quitte à se faire repérer
    d’autres roulent vite en espagne mais ralentissent en france…
    Enfin, les grosses cargaisons affretées par le crime organisé voyage en camion et respectent la limitaiton de vitesse:)
    Bien à vous
    PS : sans oublier que les grosses saisies se font avec l’aide des trafiquants qui font tomber un concurent, une de leur branche pour sauver l’ensemble du réseau… la police le sait très bien.

    • Yannick Says:

      L’argument des luttes entre concurrents pour faire tomber le go fast « des autres » est bien vu.
      On en revient au problème soulevé par Zep : en tant que tel, l’acheminement n’est qu’une petite partie du problème.
      Toutefois, en termes de management stratégique je pourrais ajouter que la stratégie qui consiste à écraser son concurrent / à le faire intercepter ne tient pas la route (sans jeu de mots) si vous voulez un business pérenne. Sinon autant se saboter soi-même !
      Sur le sujet des convois :
      si j’avais 50t de cargaison illicite je l’emballerais en petits paquets de 50g et ferais porter le tout par 1.000 personnes différentes, inconnues et anonymes qui passeraient par une centaine de chemins différents.
      …exactement comme les paquets d’information sur Internet. : ça s’appelle la communication par paquets.

      – Y.

  7. […] Braconnage, go fast et transport furtif    (un classique celui-là, merci de ne pas me citer lorsque vous serez en garde à vue) […]

  8. millier Says:

    je veux faire un go fast moi si vous savez qui en fait donner lui mon num s.v.p 06.xx.xx.xx.xx

    • Yannick Says:

      Merci Millier pour ce commentaire très motivé.
      Je me suis permis de masquer votre numéro de téléphone mobile car ce N’EST PAS une bonne idée de poser sa candidature pour un go fast en public, sur internet.

      Et, non, je ne suis pas en rapport avec des commanditaires de go fast et je n’en organise pas moi-même.
      Si c’était le cas d’ailleurs, rien de tout cela ne se ferait via le Réseau.

    • Anonyme Says:

      moi aussi j’aimerais faire go fast appeler moi au plus vite merci 06.37.23.xx.xx
      je suis tres tres motiver donc si vous pouver trouver kelkun pour moi je vous en serait tres reconnaissan

      et mon facebook : dxxx sxxx

    • Yannick Says:

      Bonjour D.S.
      Merci d’avoir pris contact avec notre agence clandestine de recrutement pour équipages de Go Fast.
      Nous transmettons immédiatement votre candidature à plusieurs narcotraficants qui étudieront votre profil. Êtes-vous mobile à l’international ?
      En parallèle, nous transmettons également votre candidature à la Brigade de Répression et d’Intervention qui va vous mettre sous surveillance afin de vous interpeller, vous et votre équipe, le moment venu.

      …non, sérieusement D., pensez-vous que ce soit une bonne idée d’envoyer vos coordonnées personnelles à un parfait inconnu en vue de commettre un acte qui relève du code pénal ? Les équipages de Go Fast ne se recrutent pas comme ça. Pas du tout, du tout :)

  9. […] de [votre choix] et le village rural de [votre choix]. (à ce sujet, voir aussi l’article sur les go fast et sur l’analyse des organisations officielles ou […]


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